Noir. Tout était noir. Piégée entre quatre murs, tu ne pouvais rien faire. Absolument rien, si ce n'était d'attendre. Attendre patiemment que la vie juge bon de te reprendre. Chaque jour, qui passaient, ton père était là, à ton chevet, à espérer que tu te réveilles dans les secondes qui allaient suivre. Mais ces secondes durèrent. Pour lui, ce fût une éternité, mais il ne voulait pas se dire que tu étais peut-être partie rejoindre ta mère. Pour lui, ce n'était pas possible. Il savait sa fille combattante alors il ne voulait perdre aucun espoir à ce qu'un jour, tu finisses par ouvrir les yeux. Tes yeux d'un bleu si pur, si beau. Ces beaux yeux qui avaient le don d'en déstabiliser plus d'un. Tu t'en souviens ? Oh oui, tu t'en souviens. Et tu le savais parfaitement et cela t'amusais, mais tu savais t'arrêter. Tu savais utiliser tes beaux yeux quand il le fallait. Mais la chose que ton père avait si peur de perdre, c'était toi. Il avait déjà perdu son épouse, il ne voulait pas en plus perdre sa fille. Son ange. Tu te souviens de ce petit surnom qui te faisait sourire ? Quand bien même s'il n'était pas toujours présent à la maison, il trouvait toujours les mots pour rassurer et apporter tout le bonheur dont vous aviez besoin. Dont tu avais besoin. Plus les jours passaient, plus tu semblais ne plus vouloir te réveiller. Ne plus vouloir faire partie de ce monde-là. Puis, un jour, sans que tes proches s'y attendent, tu as fini par les ouvrir ces putains de yeux. Tu étais finalement là. Tu étais finalement revenue d'un endroit que tout le monde ignorait. Alors que tu n'avais cessé de voir le noir durant ces cinq mois, dans ce coma qui avait paru une éternité pour certain, tout était blanc autour de toi. Secouée et perturbée, tu te relevais, un peu, péniblement de ce lit d'hôpital. " Nevaeh ? " Ton père était tout autant surpris que toi. Tu ne savais pas où tu étais, ce tu faisais dans une chambre d'hôpital. Tu avais peur, peur de ce qu'il avait pût arriver. Peur de ce qu'on allait t'annoncer. Tu étais totalement perdue et tu ne cessais de grimacer. Puis, deux bras t'entourèrent soudainement. Tu ne dis rien. Absolument rien. Tu préférais fondre en larme dans les bras de ton père même si, tu n'en savais guère les raisons. Ce fut ce jour-là, à ce moment-là que tu compris que la vie ne serait plus comme avant. Que tout avait changé et surtout, une perte affreuse dont tu te remettras difficilement.

Le regard posé et perdu sur les vagues qui venaient se fracasser contre les rochers de la falaise, tu pensais. Ces derniers temps, tu pensais trop. Tu en arrivais à te torturer l'esprit. A ne plus savoir le pourquoi du comment. A ne plus arriver à savoir qui tu étais réellement. Tout ce que tu savais, c'était que tu ne pouvais plus rester ici. Pour toi, ta place ne se trouvait pas dans ce monde. Tu as souvent pensé que ce n'était pas toi que la vie aurait dû sauver, mais ta défunte mère. Depuis ton réveil, tu ne cesses de te sentir mal. Tu culpabilises. Et pourtant, tu n'y es pour rien. Tu te souviens de ce jour-là ? De ce jour où la voiture a fini dans la rivière ? De ce jour où tu as notamment perdu celle qui t'avait donné le souffle de la vie, mais aussi le jour où tu as sombré dans un long coma ? Bien sûr que tu t'en souviens. Malheureusement, tu n'arrives pas à te détacher de ces images qui ne cessent de refaire surface. Tu n'arrives plus à fermer l'oeil de peur de voir à nouveau cet accident. De peur de revoir les yeux de ta défunte mère se fermer pour l'éternité. Tu aimerais ne plus y penser, mais c'est au-dessus de toi et du peu de force qu'il te reste. Ces images te hantent. Jour et nuit. Elles ne te lâchent plus. Elles font partie de toi, à jamais. C'est quand on perd quelque chose qu'on se rend compte de sa valeur, de sa place qu'elle avait pour nous. Tu n'en peux plus. Tu aimerais lâcher prise. Un pied dans le vide tandis que l'autre était toujours posé sur sol de la falaise d'Ainslingtown, tu ne cessais de regarder ces vagues qui venaient s'échouer. Des fois, tu rêverais te laisser porter par l'eau quelque part ailleurs qu'ici. Pas que tu n'aimais pas cette ville, bien au contraire, tu l'affectionnais particulièrement. Mais trop de mauvaises choses te rappeler sans cesse ton existence. Tu n'y arrivais plus. Chaque jour, tu manquais de défaillir à cause de la fatigue. Tu ne mangeais plus, ne dormais plus. Chaque soir, tu pleurais, seule, tapis dans l'ombre de ta chambre. Tu ne voulais pas qu'on entende alors tu étouffais tes sanglots. A quoi bon inquiéter ton père ainsi que ton petit frère et ta petite soeur. Ils n'y pouvaient rien, puis tu n'aimais pas quand on s'inquiétait pour toi. Tu disais souvent qu'il y avait bien plus important dans la vie. Et là, c'était important. Des nuages gris vinrent recouvrir le ciel. Le temps accompagnait le moment. Tu ne ressentais que néant en toi. Tu voulais remédier à cela. Et tu n'avais pas trouvé mieux que mettre fin à tes jours en sautant dans l'eau. L'eau que tu mesurais comme étant ton élément, tu ne savais pas pourquoi, mais cela avait été toujours ainsi. Dès le premier jour où tu as mis un pied dans l'eau, tu as ressenti une affinité particulière avec cet élément. Même si tu ne voulais pas laisser seule ta famille. Même si tu ne voulais pas leur causer une fois de plus du chagrin, tu avais jugé bon que pour toi, il était temps. Temps de t'envoler pour de nouveaux horizons. Alors, en fermant les yeux, quelques larmes coulèrent et tu ne pouvais t'empêcher d'esquisser un sourire discret en te remémorant tous les bons souvenirs que tu avais gardés dans un endroit bien précis de ton esprit. Tu étais prête à sauter. Tu étais prête à laisser tout derrière toi. Tu étais enfin prête à te sentir libre. Libre de toute cette torture que tu endurais depuis un an. Un an après l'accident. Tu étais prête à rejoindre ta mère. Prête à rejoindre celle qui t'avait élevé dans toute la magie de cette ville. Celle à qui tu n'avais pas pût dire je t'aime avant qu'elle ne vous laisse seule, livré à vous-même, à ce traumatisme. Surtout pour toi. Parce qu'il faut le dire, c'était bel et bien un traumatisme. Ce genre de choc qui vous hante et vous suit jusqu'à la fin de vos jours. Qui vous pourrit la vie jusqu'à que vous n'ayez plus la force à vous battre. Cette force là, tu l'avais perdu. Quatorze ans. Quatorze années que tu allais foutre en l'air. Quatorze années dont tu étais prête à laisser derrière toi. Seulement, il arrive parfois que des imprévus rentrent en jeu. Ces imprévus peuvent être jugés bons comme mauvais. Parfois, il arrive que des personnes arrivent au bon moment, comme par magie, pour vous tirer de ce putain de cauchemar. Tu allais sauter, tu avais choisi la facilité. Mais une fois de plus, la vie en avait décidé autrement. Tu entendis ton nom résonnait sur ces hautes falaises. Cette voix. Elle ne t'était pas étrangère. Tu la connaissais. Tu la reconnaitrais entre mille. Tes yeux s'ouvrirent et instinctivement, tu soufflas un petit " Eoghan. " Tu vires-volta. Là, immobile, il se tenait droit devant toi. L'enfant te souris. Un sourire si pur, si innocent. " Pourquoi tu pleures Nevaeh ? " La vérité, tu ne voulais pas leur dire. Lui dire. Alors, tu lui adressas un simple et doux sourire en retour. Le jeune garçon se rapprocha de toi. Délicatement, il attrapa ta main. " Viens, Nevaeh, s'il te plaît, rentrons à la maison. " C'est fou, mais face à lui, tu perdais et baissais toutes tes armes. Face à lui, tu retrouvais le sourire et un peu d'espoir. Cet enfant, c'était ta bouffée d'oxygène. Il avait compris que tu n'allais pas bien. Que tu t'apprêtais à faire une énorme bêtise. Ce gosse lit en toi comme dans un livre. Il le savait. Et il était venu t'empêcher de faire cette bêtise. Et tu ne regrettais pas. Au final, au fond, tu espérais sa venue. Tu espérais que quelqu'un viendrait te chercher et te demanderais de rentrer et de ne pas faire ça. Parce que c'est mal. Parce que partir comme une voleuse c'est quelque chose qui fait mal. Parce que même si perdre quelque chose ou quelqu'un ça fait mal, il faut se battre, il faut garder espoir qu'un jour, tout ira mieux. Beaucoup mieux. Parce qu'on se dit que malgré tout, malgré toutes les choses négatives qui peuplent ce monde, la vie vaut vraiment la peine d'être vécue. Il ne faut jamais perdre ça. Toujours garder ça à l'esprit. Si la vie te donne une centaine de raisons de pleurer, montre à la vie que tu as un milliers de raisons de sourire. Se montrer forte et avancer. Toujours continuer à avancer. Ne jamais renoncer aux secondes chances. On a deux vies. La deuxième commence le jour où on réalise qu'on en a juste une. Tu as enfin réalisé que tu pouvais vivre à ce moment précis.  

Te souviens-tu de ce jour où, pour la première fois, tu as eu envie de désobéir aux règles qu'on t'avait imposés ? Te souviens-tu de ce jour où tu as su voir au-delà des apparences ? Chaque jour, quand la sonnerie du lycée retentissait, tu avais pour l'habitude de toujours t'asseoir au même endroit. Seule, tu observais. Tu les observais. Tu savais, oh oui, tu savais parfaitement que ces deux-là étaient de très mauvaises fréquentations. Le genre à vous entraîner dans des galères où il est rare de s'en sortir. Le genre qui vous plonge dans un tourbillon infernal. Et pourtant, même si tu cherchais toujours à les éviter, ils t'intriguaient. Tu ne savais pas pourquoi, mais tu ressentais ce besoin de les aider quand tu les voyais passer devant toi. C'était plus fort que toi. Tous les deux cherchaient à se montrer important, à faire leur intéressant, parce qu'ils devaient ressentir un manque en eux. Oui. C'était ce que tu te disais. Tu pensais qu'eux aussi avaient besoin d'une personne qui arriverait à les comprendre et, petit-à-petit, à les apprivoiser. Ils avaient réveillé ta grande curiosité. Tu savais, du moins tu t'en doutais, qu'ils marchaient avec des choses pas nettes. Des choses qui vous détruisent, qui vous consume à petit feu. Des choses que vous pensez bénéfiques, mais s'en est tout le contraire. Ces choses vous pourrissent l'existence. Elles vous font faire et dire n'importe quoi. Mais vous ne vous en rendez pas compte. Quinze ans et faire les malins avec ça, c'était vouloir jouer avec le feu. Vouloir jouer avec sa propre vie. Alors, oui, ils t'ont cherché, ils t'ont provoqué, ils t'ont rejeté parce qu'ils disaient souvent qu'ils n'avaient pas besoin de ton aide, de toi, qu'ils étaient très bien comme ça. Mais tu n'y croyais pas. C'était tellement dur. Mais tu t'en foutais. Tu te foutais de leur avis. Tu t'étais imposée dans leur vie et quoi qu'ils disaient, tu continuais à éprouver cette sorte d'attraction, quand bien même ils te prenaient un peu la tête. Oué. Ils te faisaient chier, mais c'était plus fort que toi, tu continuais à vouloir les aider. Tu les soutenais malgré ce qu'ils pensaient de toi. Tu t'étais prise d'affection pour eux et des fois, ça te faisait peur. Tu détestais t'attacher aux gens. Mais parfois, on est obligé de faire abstractions de ses principes. Gabriel et Neal, c'était leur prénoms. Deux personnes assez difficiles à suivre. Mais tu n'as jamais abandonné. Alors, voilà. Voilà comment tu t'es retrouvé à leur parler et à trainer de temps-en-temps avec eux, sans pour autant les suivre dans leurs conneries. Mais quand tu étais avec eux, tu ressentais cette liberté qui vous prend aux tripes et ne vous lâche plus. Tu te sentais bien. Dix fois mieux qu'il y a un an. Jour pour jour. Heure pour heure. " J'sais pas si j'te l'ai déjà dit et même si j'te l'ai déjà dit, ben tant pis, j'me répéterai. J'te trouve trèèèès jolie, oké ? " Tu ne pouvais t'empêcher de rire, pas parce que tu te moquais de lui, mais ça t'amusait. " Arrêtes de dire n'importe quoi, Neal, la drogue te va de plus en plus mal. " " J'suis pas stone là ! " Oué c'est c'la. " Si tu l'es. " Neal se leva de sa chaise pour se rapprocher doucement de toi. Bien qu'il avait failli se casser la figure à mainte reprise. " Tu me laisserais t'embrasser même si j'suis totalement stone ? " Tu le regardais, perspicace. Sincèrement, tu ne savais que dire. Plus il se rapprochait de toi, plus tu te sentais mal à l'aise. Pas que tu n'appréciais pas Neal ou que tu ne le trouvais pas attirant, bien au contraire, mais primo, quand on prend de la drogue, on se met à dire des choses totalement sans intérêt et stupide, deusio, si ton père te savait chez Neal, il te tuerait. Au départ, tu étais juste passée pour savoir s'il allait bien, tu faisais exactement la même chose avec Gaby. Tu ne pensais pas que le jeune homme te sortirait des choses comme... ça. Tu baissas automatiquement la tête. Sa main vînt se poser sur ton menton, t'obligeant alors à le regarder dans les yeux. Oké, là tu étais totalement en mode panique. Dans ta tête c'était Tchernobyl. Il passa ensuite sa main sur ta joue, la caressant avec tendresse. Puis, le jeune homme posa ses lèvres sur les siennes. Que pouvais-tu faire ? Rien. Tu n'arrivais pas à le repousser parce que tu en avais autant envie que lui. C'était magique. Mais tu devais refuser. Le repousser. Alors, à l'aide de tes deux mains, tu stoppas immédiatement ce baiser, éloignant ainsi Neal de toi. " Je... Je suis désolée, mais j'peux pas. J'peux pas sortir avec des gens qui se droguent... Je... Désolée. " Tu ris tes affaires et quitta les lieux, gênée. Ce fût la dernière fois. La dernière fois que tu le voyais. Après ça, tu n'avais plus de nouvelles. T'avais beau en demander à Gab, il ne savait pas où Neal était passé. C'était comme s'il avait disparu de la circulation. Plus rien. Nada. Et tu t'en voulais. Parce qu'au fond, tu l'aimais beaucoup, il avait été important pour toi et tu aimerais le revoir. Mais tu savais qu'il ne reviendrait jamais. Du moins, c'était ce que tu te disais.

" Il est où papa ? " questionna la petite fille alors que toi, tu t'occupais de faire à manger en faisant attention à ce que tu prenais. " Je ne sais pas, Lily, je ne sais pas..." Tu ne savais pas quoi leur dire. Tu ne voulais surtout pas les inquiéter, alors tu préférais éviter le sujet. " Mais je veux le voir ! " rétorqua la petite fille avant de s'effondrer en larme. Tu ne pouvais rien faire si ce n'était de la rassurer. De la prendre dans tes bras et de la consoler. De lui dire que tout allait bien se passer. Qu'il reviendrait bientôt. Quand, tu ne le savais pas. S'il était toujours vivant, tu ne le savais pas non plus. Tu espérais, comme toujours. Deux semaines. Deux semaines que tous les adultes de la petite ville avaient disparu. Le jour, tu ne pouvais te permettre de pleurer, tu devais faire bonne figure devant ton petit frère et ta petite soeur. Mais quand la nuit montrait le bout de son nez, quand les deux enfants dormaient à point fermé, tu te le permettais. Tu fondais en larme naturellement. Parce que tous les évènements te dépassaient, mais chaque jour qui passait, tu essayais de garder la tête sur les épaules et de faire tout ton possible pour aider les autres. Tu soignais les blessés, tu faisais du mieux que tu pouvais. Chaque jour, tu essayais de te dépasser et de te montrer présente. Même s'il n'y avait plus d'électricité, il restait au moins l'eau. D'ailleurs, en parlant de l'eau, il y a quelques jours, tu as fait la découverte de quelque chose de surprenant. Tu te rappelles ? Tu étais énervée et malencontreusement, tu avais fait tomber un verre rempli d'eau. Celui-ci se fracassa en mille morceaux sur le sol. Devant ce spectacle, Eoghan cria. " Nevaeh, Nevaeh, REGARDE ! " Je me retournais. Tandis que le verre était éparpillé sur le sol de la cuisine, le liquide, quant à lui, voler dans les airs, comme par magie. Oké... Très étrange. Tu te demandais si tu n'hallucinais pas, si tu ne rêvais pas. Mais non, c'était bien toi qui faisais ça. Stupéfaite, tu regardais le liquide qui volait devant toi et qui, d'un coup, retomba sur le sol en t'éclaboussant. Que se passait-il enfin ! Tu te le demandais bien. La disparition des adultes, un dôme invisible qui entourait Ainslingtown et maintenant des supers pouvoirs ? A cette allure, vous alliez vous la jouer à la X-Men les gars. Tu te rendis bien vite compte que tu n'étais pas la seule à avoir reçu ce don. Ce don qui, faut bien l'avouer, était encore faible. Il apparaissait comme par magie et tu ne savais pas comment l'utiliser. Tout était vraiment bizarre. Très bizarre. Qu'allait-il avoir d'autre ? Une invasion d'extraterrestre ? Après tout, pourquoi pas ? Ce ne serait pas plus bizarre. Tu as toujours crus en la magie de ce lieu, mais de là à voir tout ça, c'était très étrange et angoissant. Le monde change, il devient fou. Ainslingtown change, vous ne comprenez plus rien, vous êtes perdu. Mais ce qui est sûr, c'est que jamais tu ne laisseras ces adolescents mener leur dictature ici. La loi des plus forts ils se la foutent bien profond là où vous le pensez. Jamais. Se battre, survivre, aider ceux qui vivent dans la peur, voilà à quoi se résumer ton quotidien. Un quotidien parfois lourd, mais il reste toujours un espoir. Vivre sans espoir, c'est cesser de vivre.