soren & chanel

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Les secondes défilent lentement. La grande aiguille de ma montre me nargue en bougeant doucement. Lorsqu'une minute s'écoule finalement, la suivante semble encore plus longue que la précédente. Quel cercle vicieux. J'ai l'impression que le maître du temps se joue de moi. Il doit rire. Son esprit fourbe doit lui souffler tellement d'idées sadiques qu'il n'en a sûrement pas encore terminé avec moi. J'en suis sûr. Je tapote sur le cadran de l'objet accroché autour de mon poignet, mais rien ne se passe. La grande aiguille continue son chemin aussi lentement que possible. Je soupire longuement et me laisse tomber sur mon lit, ma tête s'écrasant contre mon oreille, mon regard fixant le plafond blanc et lisse de ma chambre. Tout ceci est irrationnel. Je ne comprends pas encore comment est-ce que ça a pu arriver. C'est sûrement un cauchemar où nous sommes tous reliés. Inlassablement, je lance une nouvelle fois un regard sur ma montre et fronce mes sourcils. « T'as fini de te moquer de moi ? » Dis-je, ma voix bien plus grave que d'habitude pour montrer mon agacement. J'en ai marre d'attendre le retour des adultes pour que tout redevienne comme avant. Bientôt, on crèvera tous de fin, bientôt, je devrais prendre mon apparence de chaton pour bouffer des insectes sans me sentir gêné d'être regardé et vu en train de faire ça. C'est stupide. Indescriptible. Inimaginable. Et pourtant, c'est sûrement ce qu'il va se passer dans quelques semaines, j'en suis presque sûr. A moins qu'un miracle ne se passe.

Je me positionne sur le ventre et enfouit mon visage au creux de mon oreiller avant d'hurler. Mon cri est étouffé par le tissu de l'objet sur lequel je m'acharne en lui gueulant dessus. Je l'entends tout de même. Ce n'est pas comme si un simple oreiller pouvait avoir la même capacité que des murs permettant d'isoler le son, hein. Je ferme finalement les yeux, abandonnant. Le temps passe trop lentement pour que j'attende le retour de Chanel sans avoir d'occupations. Et non, il est hors de questions que je sorte. Il n'y a personne à voir. J'irai bien embêter Kieran. Voir carrément aller espionner Azazël ou Lou-Amaryllis, mais j'ai une flemme énorme. Oui. Pire que d'habitude. Ainsi, je m'endors, plongeant dans un sommeil léger. Oui, très léger. Car lorsqu'un un klaxon se fait entendre, je me réveille automatiquement, les yeux gonflés. Je soupire, exaspéré.

Je décide très vite de me lever. Je vérifie l'heure et remarque que c'est bientôt l'heure pour Chanel de quitter son poste. J'aurais bien aimé l'aider, mais j'ai bien trop de mal à me faire respecter pour bosser à la sécurité, je suis bien trop maladroit pour aider aux récoltes et je suis bien trop sensible pour aider à l'infirmerie. En gros, je suis inutile. Heureusement que j'ai une belle gueule et que je peux servir de décor. Puis de toute façon, je suis utile à ma façon. J'espionne les gens et tente d'apprendre des choses sur chacun des clans s'étant formés dans la ville. Oui, car au lieu de tous s'aider, les gens ont décidé de faire des clans. Bande d'abrutis. Je soupire une nouvelle fois et passe une main dans mes cheveux. C'est un tic nerveux. Je fais toujours ça lorsque je suis stressé par quelque chose ou lorsque je suis gêné. Finalement, j'enfile un manteau et des chaussures, prends mes clefs et sors de la maison avant de fermer la porte d'entrée à clef.

J'ai décidé d'aller retrouver Chanel à l'infirmerie. La nuit commence à tomber et je ne veux pas quelle rentrer toute seule. Pas ce soir en tout cas. Je ne veux pas. Non. D'habitude, je n'y pense pas, d'habitude, je l'attends sagement à la maison, mais cette fois-ci, non. J'attrape ma capuche et la tire pour la mettre sur ma tête et ainsi, recouvrir la moitié de mon visage avec cette dernière. Je commence alors à marcher en direction de l'école où se trouve Chanel et lorsque j'arrive sur les lieux, je salue toutes les personnes que je croise. Simple histoire de politesse. J'entre finalement dans le bâtiment et me dirige vers l'endroit où est censé se trouver ma jumelle, mon essentielle dans la vie. Je me triture les doigts pendant quelques secondes avant de finalement entrer dans la salle. Je trouve directement Chanel en train de soigner un garçon. Elle me remarque et je lui lance un sourire, restant à quelques mètres pour ne pas la déranger. Je fronce des sourcils en remarquant qu'elle ne lâche pas le bras du garçon. Il lâche un léger gémissement et je la regarde lâcher son bras un peu brusquement. C'est quoi ce … hmpf. Je vais faire comme si je n'avais rien vu, ou plutôt, rien cru voir, pour le moment. Il lui sourit finalement avant de parler. Je crois alors les bras contre mon torse, les sourcils haussés, attendant patiemment qu'elle termine de s'occuper de l'enfant. Lorsqu'il la remercie et qu'il part, je soupire de soulagement. C'est que … ça commençait à devenir long.

Je la regarde laver ses mains et souris à l'entente de sa nouvelle phrase, à mon égard. Je me tourne légèrement et lui montre mes fesses avant d'afficher une mine triste. « Je crois bien avoir un bobo sur la fesse droite. » Je ris faiblement avant de m'approcher d'elle et de lui tirer la langue. Je m'avance encore pour finalement être assez proche d'elle pour déposer mes lèvres sur sa joue droite. Je crois ensuite les bras contre mon torse avant d'hausser des épaules. « Je sais m'occuper de moi-même, tu sais. Ce n'est pas parce que je viens te voir ici que je suis blessé, hmm.  Si je suis là, c'est parce que j'avais envie de te raccompagner jusqu'à la maison, comme il fait de plus en plus nuit très tôt. » J'affiche une moue innocente avant de parcourir la pièce d'un regard intéressé. Je m'attendais à voir des gens en train de pleurer, pissant le sang, mais heureusement pour ma sensibilité, il n'y a rien de tout cela. Je me tourne ensuite vers Chanel et lui souris faiblement. « Diiis, t'as fini ? Je peux te ramener avec moi maintenant ? »

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Je souris fièrement lorsque la seule fille présente dans la pièce se met à rire. La voir ainsi me réchauffe le cœur et je ne peux m'empêcher d'afficher un air supérieur. J'ai réussi à la faire rire. C'est tout ce qui m'importe. Je lui parle, affichant une moue indignée. Bah quoi ? Comme si j'étais dépendant de sa personne. Ce n'est pas vrai ! Ou alors juste un peu … un peu plus … bon d'accord ! Sans Chanel, je ne serai rien ! Mais shht. C'est un secret. Elle n'est pas censée savoir ça. Du moins, je crois. Elle continue de me sourire avant de me décoiffer sans gêne. J'écarquille légèrement mes yeux et fronce mes sourcils. Ma magnifiiique coupe de cheveux ! Je fais la moue avant de grogner faiblement pour lui montrer mon exaspération. Pas touche à mes cheveux. Ils sont trop beaux. Ils me rendent sexy et … hmpf. Parfait, quoi. Je lui tire la langue, puis recolle un sourire innocent sur mes lèvres.

«Diiis, t'as fini ? Je peux te ramener avec moi maintenant ? » Je lui demande avant de lui lancer un sourire innocent. Est-ce qu'elle a compris mon impatience ? J'en suis sûr. Après tout, Chanel n'est pas ma jumelle pour rien. On se comprend facilement. Bêtement. Et parfois, les gens sont étonnés de voir que l'un arrive à finir les phrases de l'autre. Oui. Cela nous arrive, parfois. Mais ce qui les étonnent encore plus, c'est sûrement le fait que l'on ait des codes dont on est les seuls à connaître la véritable signification. Que serions-nous, sans ces codes, d'ailleurs ? Sûrement rien. Enfin, je ne sais pas. Je ne peux pas avoir réponse à tout, malheureusement. Je soupire longuement tout en la regardant jeter un oeil à sa montre. Lorsqu'elle me répond, j'hausse des épaules, encore plus impatient. Cette relève a intérêt à venir vite. Marcher la nuit, c'est plutôt dangereux par les temps qui courent. Moi ? Je n'ai pas peur de la nuit. Au moindre danger, j'ai la chance de pouvoir prendre l'apparence d'un chaton noir pour me fondre dans le décor, mais Chanel ... elle ne peut pas en faire de même. C'est stupide. Elle est censée être celle qui s'en sort toujours le mieux, celle qui fait les choses mieux que moi -sauf pour l'école, mais ça, c'est autre chose, ce n'est pas de la survie-.

J'hoche ma tête positivement en entendant sa nouvelle phrase. Oh que oui ! Ils devraient vraiment réapprendre à lire l'heure. Surtout maintenant. Si cette personne s'est portée volontaire pour aider, qu'elle arrive à l'heure ! C'est son obligation, à présent. Il a choisi d'aider, alors qu'il se pointe à l'heure. Et si Chanel partait ? Il n'y aurait plus personne, alors les autres seraient bien dans la mouise. Il faudrait peut-être que le babouin en retard réapprenne l'ordre de ses priorités. Je soupire une nouvelle fois et passe une main dans mes cheveux, délicatement. Je regarde ma soeur s'installer sur l'un des lits présents avant de tendre les bras vers moi. J'arque l'un de mes sourcils avant de l'enlacer en douceur, me courbant légèrement pour poser mon menton sur l'une de ses épaules. L et P ? C'est vrai qu'ils me manquent aussi. Je renifle d'un air amusé, souriant faiblement avant de caresser ses cheveux tendrement. « Tiens ! Tu te l'avoues finalement ! » Je ris faiblement avant de reprendre mon sérieux, étouffant un soupire rempli d'amertume. « Ils me manquent aussi, tu sais. C'est normal ... je crois. » Doucement, je me mets à la bercer, inspirant et expirant lentement, aussi silencieusement que possible.

Au final, c'est en l'enlaçant que je commence à penser à ce qu'il s'est passé, quelques minutes plus tôt. Est-ce qu'elle a réellement fait du mal à ce garçon, juste en lui tenant le bras ? Elle aurait donc un pouvoir ? Pourquoi est-ce qu'elle me l'a caché ? J'ai sûrement rêvé, n'est-ce pas ? Chanel ne peut pas faire de mal à quelqu'un. Elle ne m'aurait jamais caché un truc aussi important ... Seulement, au moment où je prends mon courage à deux mains pour lui en parler, la porte de l'infirmerie s'ouvre brusquement et laisse apparaître un jeune homme. Sauf que celui-ci n'a pas l'air en mauvais état. J'en conclus donc que la relève est arrivée, non ? J'enfouis mon visage dans le cou de Chanel avant de sourire faiblement. « Serait-ce la relève ? On peut y aller ? Non parce que ... j'ai envie de faire un shifoumi. » Lui dis-je en accentuant bien sûr le dernier mot. Si elle ne comprend pas ça, c'est qu'elle rouille. Pas qu'un peu, mais beaucoup. Je m'éloigne lentement d'elle pour lui lancer un sourire innocent, prenant dans ma main droite, l'une des siennes que je serre tendrement. « Non vraiment. J'ai vraiment envie de faire un shifoumi, tu vois. » Je lance un regard au jeune homme qui s'est approché de nous et incline légèrement ma tête avant de lui lancer un sourire innocent. Non. Je ne dirai rien. Même s'il est en retard. Et si ce n'est pas lui, je crois que je vais pleurer de frustration. « B'soir. » Je cligne des yeux plusieurs fois avant de passer une main dans mes cheveux, encore une fois. C'est l'un de mes tics. Chacun d'eux ont tendance à exaspérer mes proches, mais qu'importe. C'est comme ça et c'est tout.

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Un shifoumi. Seule Chanel peut comprendre ce mot. Enfin, si elle ne l'a pas oublié. Je ne pense pas. Ce sont des phrases que l'on utilise assez souvent en temps normal. Quand il y avait encore les adultes, on utilisait ce genre de codes trois fois plus, parce qu'on ne voulait pas que nos parents nous comprennent. Maintenant, je trouve que c'est bien plus utile. En cas de danger, ou même si l'on veut un peu d'intimité pour se comprendre lorsque Chanel est ici ou avec d'autres personnes. On se comprend sans être compris par notre entourage. C'est une des choses les plus importantes. Je prends donc la main de ma soeur pour nous emmener hors de l'infirmerie tandis qu'elle me suit, d'un air angoissé. Je l'entends souhaiter bon courage à la personne qui la remplace, mais ne je ne dis rien de plus qu'un simple au revoir. Je ne suis pas associable. Disons simplement que je suis pressé de ramener ma soeur à la maison. Je m'arrête dès que la porte se referme derrière nous et lance un regard interloqué à Chanel. Elle regarde à droite puis à gauche avant de partir à l'opposé d'où je voulais aller. Peut-être n'a-t-elle pas envie d'attendre plus longtemps avant de savoir de quoi je veux parler ? Je ne sais pas. Encore une fois, je ne suis pas télépathe. Malheureusement. Elle s'arrête finalement dans un endroit qui me semble calme et à l'abri des regards et des oreilles indiscrètes. C'est bien. Je crois. Elle me lance un sourire et commence à parler, gardant sa main dans la mienne.

Je lui souris d'un air rassurant lorsqu'elle me demande s'il s'est passé quelque chose de grave. Non, rien. Du moins, je crois. Ou alors, pas pour le moment. Je serre un peu plus sa main dans la mienne avant de la caresser avec mes doigts. Je la tire ensuite pour que l'on puisse s’asseoir à même le sol. Je lui fais face, enroulant mes genoux  de mes bras pour les serrer un peu plus contre mon torse. J'hausse des épaules avant de faire la moue. « Non, non, rien de très grave … enfin je crois. J'espère. » Oui. J'espère sincèrement que rien de mauvais ne se passera pour Chanel ou pour moi. Déjà qu'être séparé de nos parents est assez dur, alors si un jour on nous sépare, moi et Chanel, je me demande si je pourrais y survivre. Je crois bien que si cela arrive un jour, j'en mourrais de chagrin. Ma sœur, c'est tout pour moi. Elle est à elle toute seule, la chose la plus importante à mes yeux. Je pourrais laisser tomber n'importe quoi, n'importe qui pour être avec elle pour toujours. Je pourrais même mourir pour qu'elle vive. Si elle est en danger, je crois que je pourrai changer complètement de façon d'être. Devenir même carrément dingue. Après tout ; c'est une part de moi-même. Je crois que ce que je ressens pour elle est en lien avec notre jumelage. Tous les jumeaux ressentent ça, j'en suis sûr. J'inspire longuement avant de faire la moue, me rapprochant d'elle pour finalement poser mon menton sur son épaule après m'être installé à sa droite. « C'est juste qu'en ce moment, t'as la tête ailleurs. T'es bizarre. C'est sûrement parce qu'on te refile trop de travail ici. J'espère. Je crois. J'aimerais venir t'aider ici, vraiment, mais … tu sais que la vue du sang pourrait me faire mourir d'une crise cardiaque. Je suis sensible, moi, à ces choses-là et … hmpf. Je m'éloigne du sujet. » Je gonfle mes joues qui ont sûrement rougi à cause de ma gêne soudaine. Je n'arrive même pas à lui demander si elle me cache quelque chose ou non. J'ai bien trop peur que sa réponse soit oui. Et bien trop peur que sa réponse soit non, mais que ce soit un mensonge.

Entre Chanel et moi, il n'y a jamais eu de mensonges. Même quand on était plus jeunes, je lui disais toujours tout. Quand je faisais une bêtise, elle était la première à le savoir. Quand je venais de me défendre pour la première fois au collège, c'est elle que j'ai averti en premier pour lui faire savoir que je n'étais pas si docile que je l'étais. Et maintenant, je veux savoir si elle me cache quelque chose. Elle a l'air vraiment contrariée. Mais me fait-elle réellement confiance ? Est-ce que j'ai perdu sa confiance ? Si oui … comment ? Je suis toujours le même. Toujours Soren. Je n'ai pas changé. Sauf si l'on compte le fait qu'à présent, je peux me transformer en chaton noir angora. Mais ça, ça n'a rien à voir avec nous. Avec Chanel. J'inspire longuement puis lève la tête pour plonger mon regard dans celui de ma sœur. Je me mords ensuite la lèvre inférieure, prêt à apprendre une vérité qu'elle ne me dira sûrement pas maintenant. « Dis … tu ne me caches rien, hein ? » Je gonfle mes joues, affichant un air stressé. « J'ai l'impression que tu ne me dis pas quelque chose … mais si tu me dis qu'il n'y a vraiment rien, je te croirai, après tout, tu es Chanel ; ma jumelle. » Et je lui souris faiblement.